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Crissements de plume

Une forme de vie — Amélie Nothomb

Première publication : 24 janvier 2017

Amélie Nothomb s’engage avec quelque incrédulité dans un échange épistolaire hors du commun : son correspondant, Melvin Mapple, un soldat américain basé en Irak, a la particularité d’être devenu obèse. Du moins, c’est ce qu’il prétend.

Mon analyse

L’écriture, l’échange épistolaire, la fiction sont-elles, pour reprendre le titre, des formes de vie ? Oui, sinon pourquoi Melvin aurait-il élaboré un tel stratagème ? Grâce à cette seconde existence, il échappe à son insignifiance, sa solitude, sa honte, et se réinvente. Elle l’oblige à mobiliser des capacités mentales sans doute insoupçonnées que la narratrice finit par saluer, n’y ayant vu que du feu. Melvin se révèle dans ce monde militaire fictif dont il doit préserver la vraisemblance. Pour autant la réalité — c’est-à-dire la demande de la narratrice d’une photographie en uniforme — l’empêche de perdre pied et lui rappelle qu’il n’a créé en définitive qu’« une forme de vie », une esquive. Si ses missives regorgent d’explications sur l’obésité des soldats qui l’entourent, il évite soigneusement de se pencher sur les véritables raisons de la sienne. Dans ce roman enfin, aux deux Melvin répond le double de l’auteur : la narratrice qui porte son nom, exerce sa profession et paraît très proche du personnage public.

Melvin aurait pu se contenter d’écrire une histoire ou se perdre dans une fiction intérieure, mais il a souhaité l’ancrer dans une certaine réalité en cherchant la caution d’un écrivain renommé. Amélie Nothomb a comblé ses attentes : ses réponses attestaient son ou ses existences et lui témoignaient non seulement de l’intérêt, mais aussi de l’affection. Si la narratrice développe quelques théories liées à son abondant courrier des lecteurs, elle pose plusieurs questions essentielles relatives à tout échange épistolaire. Que donner à l’autre ? Quelles sont ses attentes ? Puis-je les accepter ? Les satisfaire ? Melvin intrigue et touche la narratrice qui réagit à ses propos, ce qui comble le faux soldat avide de marques d’intérêt. Dans le même temps, Amélie Nothomb se livre très peu sur sa propre vie. Les conséquences d’une correspondance qui relie deux sensibilités et suppose une implication émotionnelle sont parfois loin d’être anodines. A quel comité d’accueil doit s’attendre la narratrice une fois arrivée aux Etats-Unis ?

Le lecteur, porté par la voix si caractéristique de l’auteur, retrouve dans ce roman tout ce qui fait son charme.

 

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