16 Octobre 2021
Première publication : 18 octobre 2017
Dans un monde dévasté, des formes humaines enduites de boue s’emploient à conserver des vestiges de la civilisation précédente tout en ignorant leurs usages et leurs noms. Emporté à son tour, un vieil arbre trouve la force de raconter un long passé illustré par des images qu’il projette jusqu’à la catastrophe finale. Pourquoi, pour qui témoigne-t-il ?
Mon analyse
Christophe Barbier n’avait pas tort de définir ce livre comme un « long poème en prose ». Si le thème d’un monde post apocalyptique est de plus en plus souvent traité, l’auteur choisit ici un point de vue original et livre une magnifique description des sensations de l’arbre. Il se heurtait pourtant à un défi de taille : le côté statique du narrateur. Dominique de Villepin, dans un très louable effort de crédibilité, réussit à le faire voyager sur plusieurs continents, à lui faire côtoyer des hommes d’époques et d’horizons différents. Cette diversité augmente évidemment la portée de son témoignage.
L’arbre parle pour le peuple de cendres, les « fils du désastre », simulacre d’hommes aux gestes automatiques. Ces derniers ne cherchent pas connaître le sens de leurs actions, ils se contentent d’obéir à une voix mystérieuse, celle de l’oubli. Ils vont cependant évoluer grâce à la parole, à l’échange, à l’arbre qui leur fait réellement don de son récit puisqu’il consume ses dernières forces pour eux. On assiste alors à un éveil des émotions et des sentiments (impatience, rire, peur de la mort). Les réactions collectives sont souvent violentes avec, par exemple, l’élimination des éléments perturbateurs, mais la rébellion en faveur de l’arbre qui sème la vie par ses mots, ses images et ses branches l’emporte. L’écriture est réinventée, un véritable dialogue s’instaure. Le peuple de cendres apprend à devenir un peuple d’hommes dans la crainte d’un cycle appelé à se répéter indéfiniment. Combien de siècles se sont écoulés entre l’homme des cavernes et l’homme civilisé ? La catastrophe dont on suppose qu’il s’agit d’une explosion atomique a provoqué un retour à la barbarie qui engendre à nouveau un pénible apprentissage. Quel espoir a-t-on de ne pas retomber dans les mêmes travers ? L’homme serait-il condamné ?
L’écriture, somptueuse prose poétique, est ciselée et imagée, très fluide, aussi agréable à lire qu’à écouter. On ne déplore aucun relâchement. Il se dégage au contraire une impression de facilité. L’auteur est doué, à l’évidence.