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Crissements de plume

Trois femmes puissantes — Marie NDiaye

Première publication : 22 octobre 2015

Confrontées à des situations très différentes, trois femmes vont par leur attitude ou leur décision tenter de s’échapper d’une spirale destructrice afin de revivre ou à défaut, sauver l’un de leurs proches.

Mon analyse

L’isolement, Norah et Fanta le connaissent au sein de leur famille ou de la société tandis que Khady Demba vit dans une solitude presque totale. Si elles n’ont rien vécu de semblable, elles ont en commun de subir « les humiliations que la vie leur inflige avec une obstination méthodique et incompréhensible » pour reprendre l’excellente quatrième de couverture. Cet acharnement injustifié renforce le rempart qu’elles opposent au destin : Norah se lance dans une bataille judiciaire compliquée afin de se défaire de son ancien sentiment d’impuissance, Fanta par son apparente froideur et sa hauteur pousse son mari dans ses derniers retranchements, Khady se referme sur elle, préservant son bien le plus précieux, la conscience de son identité et de son inaltérabilité.

Non seulement cette attitude digne les protège, mais ses effets bénéfiques se répercutent sur leur entourage, ce que montrent les contrepoints de Norah et Khady. Les trois héroïnes ont sauvé au moins trois hommes. Norah a permis à son père de retrouver une certaine paix intérieure, Fanta a contraint son mari à revenir sur son traumatisme d’enfance, Khady a aidé Lamine à vivre dans de meilleures conditions. Bien que les événements entravent ces femmes, elles trouvent un moyen de se défaire de leurs chaines et de libérer leurs proches, d’où leur puissance.

Le récit le plus saisissant est sans conteste le deuxième, celui qui nous plonge dans l’enfer des pensées de Rudy, un homme insatisfait, ridicule et tourmenté. Le portrait le plus court est également le plus émouvant. Khady, emportée dans la fleur de l’âge, aura eu le temps de connaître la stérilité, le veuvage, la maladie, la misère, la prostitution, la faim, une extrême solitude sans que ne lui échappent une plainte ou un cri de colère. Si elle endure ses épreuves avec un courage tout stoïcien, elle agit au lieu de se résigner. Les brumes qui la préservaient d’une vie dénuée de joie se sont dissipées au profit d’une clairvoyance nouvelle. Malgré son aspect pitoyable, reflet de sa vie, elle garde dans le cœur une joie indéfectible, d’où probablement la réincarnation finale en oiseau revenant hanter Lamine.

 

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